Dossier thématique : Développement durable et numérique

, par Matthieu Remblière

Ce dossier est le fruit d’une collaboration construite entre la DANE et la mission académique EDD depuis plusieurs années. Vous y trouverez :
  • Un article de synthèse co-rédigé par Florence Bouteloup, IA-IPR cheffe de mission EDD et Anne-Cécile Franc, formatrice académique et coordinatrice du dossier e-formation à la DANE
  • Des références et ressources incluant les différents « jeudis de la recherche » disponibles sur cette thématique
    Ce dossier a vocation à s’enrichir progressivement.

Le numérique a des impacts à prendre en considération

Parce qu’il a longtemps été présenté comme immatériel, le numérique semblait ne pas avoir d’incidences sur l’environnement, et a même été longtemps présenté comme un moyen vertueux de dématérialiser les supports, la connaissance, les données.

Il est vrai qu’il fait désormais partie intégrante de notre vie, nous permettant par exemple de diminuer nos déplacements, nous faisant gagner du temps, favorisant la communication, le partage, la collaboration, rendant possibles d’immenses progrès techniques et scientifiques, facilitant la diffusion mondiale et instantanée des informations.

Substantif et adjectif polysémique, le terme « numérique » englobe tout à la fois les interfaces (smartphones, tablettes, ordinateurs, consoles, objets connectés, etc.), et les réseaux qui transportent les données. Il désigne à la fois les outils, les contenus et les usages.

Comme Guillaume Pitron le rappelle dans L’enfer numérique, voyage au bout d’un like, paru en 2021, ce système présenté comme dématérialisé se révèle avoir un impact bien tangible.

Selon une étude de l’ADEME, datant de 2022, 2,5 % de l’empreinte carbone serait liée au numérique en France, et cette part tendrait à augmenter de manière exponentielle du fait de la démultiplication des terminaux et des usages et de l’utilisation croissante des IA génératives.
La fabrication des terminaux représente la part la plus importante de cet impact, évaluée à près de 80 % tandis que la phase d’usage correspond à 20 %.
Les terminaux, les centres de données (data center), les réseaux nécessitent à la fois l’extraction de métaux rares, consomment de l’eau, de l’électricité, produisent des millions de tonnes de déchets en fin de vie.

Le numérique entraîne également des conditions de travail insoutenables, ou très mal rémunérées dans de nombreux pays.
Comme le mentionne le rapport « Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu » paru en avril 2024, le numérique est source d’émancipation, espoir d’égalité sociale, mais mal employé, mal régulé, il peut aussi avoir des conséquences sur la santé et le développement des enfants.
Le numérique serait-il donc, un pharmakon, à la fois poison et remède comme Bernard Stiegler le rappelle ?

Il est aussi au service des apprentissages, de la connaissance et du monde de demain

Comme toute technologie, le numérique n’est pas neutre, mais il fait partie de notre vie. Ne pas en maîtriser les usages constitue une fracture majeure, un illectronisme qui peut être considéré comme un véritable handicap dans un monde où la citoyenneté numérique* est une compétence essentielle.
La citoyenneté numérique désigne « le maniement efficace et positif des technologies numériques (créer, travailler, partager, établir des relations sociales, rechercher, jouer, communiquer et apprendre), la participation active et responsable (valeurs, aptitudes, attitudes, connaissance) aux communautés (locales, nationales, mondiales) à tous les niveaux (politique, économique, social, culturel et interculturel), l’engagement dans un double processus d’apprentissage tout au long de la vie (dans des structures formelles, informelles et non formelles) et la défense continue de la dignité humaine. »
Voir https://eduscol.education.fr/3289/l-education-la-citoyennete-numerique

Celui qui maîtrise le numérique pourra ainsi exercer son esprit critique pour trier les informations qui lui parviennent et les hiérarchiser, compétence indispensable pour pouvoir s’informer, pour construire des connaissances ou pour exercer son droit de vote de manière éclairée.
Il sera armé pour affronter toutes les formes de cybermalveillance.
Il sera sensibilisé aux questions de droit et d’éthique, afin d’utiliser les réseaux sociaux à des fins de partage, de créativité et de convivialité sociale, en préservant un bon équilibre de vie et de sommeil.
Enfin, il sera conscient de l’impact du numérique sur l’environnement et adoptera des pratiques responsables.

Comment sensibiliser tous les acteurs à la nécessité d’un usage raisonné, éthique et responsable ? Comment éduquer à un numérique responsable ?

Eduquer au développement durable concernant le numérique, dans toutes les dimensions précédemment évoquées, repose sur les mêmes fondements que pour d’autres enjeux ou champs/objets d’étude.
Il s’agit ainsi de mettre en œuvre une démarche pour connaître, comprendre et agir, en insistant particulièrement sur :

  • La connaissance des échelles d’impact, nécessaire à toute réflexion sur les actions possibles
    Connaître l’ambivalence des effets des pratiques numériques, les origines et les ordres de grandeur relatifs aux impacts environnementaux du numérique (par exemple la distinction entre terminaux et usages) s’avère indispensable pour réfléchir aux solutions souhaitables à différentes échelles et à leurs moyens (par exemple, la mise en œuvre d’une économie circulaire du matériel numérique).
  • L’apprentissage des choix, de l’échelle individuelle à l’échelle collective : développer des gestes éco-responsables et les mettre en perspective
    Il convient que les élèves repèrent ces deux niveaux d’action complémentaires, de l’individus aux collectifs à diverses échelles, de l’établissement à la société nationale voire mondiale, afin de faire face aux enjeux identifiés. Ils apprennent ainsi à identifier des éco-gestes, dans leur usage quotidien (consommation de vidéos en streaming...), ou dans les choix relatifs à leur matériel, mais aussi à les mettre en perspective à grande échelle. Ils évaluent leurs impacts mais aussi leurs limites ; ils repèrent les engagements collectifs nécessaires à un usage éthique et écologiquement responsable du numérique ; ils identifient les débats de société que soulèvent ces choix (à titre d’exemples : la 5G, l’usage croissant de l’IA, les réseaux sociaux et les réseaux sociaux éthiques…)
    Par cette réflexion sur les choix possibles, à titre individuel mais aussi par l’exercice de la citoyenneté pour agir collectivement, les élèves éprouvent l’engagement, liant « le » numérique à « leur » numérique.

Sensibiliser les acteurs d’une communauté scolaire et éduquer au numérique responsable c’est donc :

  • connaître et comprendre la complexité des champs engagés pour réfléchir au numérique, associant plusieurs ODD (santé, citoyenneté, inégalités, modèles économiques, ressources, pollutions…) ;
  • agir individuellement et à l’échelle de l’établissement scolaire par des eco-gestes : les reconnaître, les mettre en pratique, les partager ;
  • prendre sa part aux débats de société engageant l’avenir relatifs au numérique, en sachant faire le lien entre son action personnelle et les choix collectifs.

Conclusion
Les 4 champs de compétence de l’EDD sont ainsi mobilisés dans tout travail sur le numérique, dans l’objectif toujours présent d’apprendre à faire des choix raisonnés. Etudier « le » numérique, puis s’engager pour « un » numérique responsable et durable c’est ainsi appréhender la complexité : ne pas faire preuve d’une vision simpliste technophile vs technophobe, mesurer les nuances des atouts et contraintes du numérique en faisant le lien entre les ODD mis en jeu par ses matériels et ses usages. C’est également faire preuve d’esprit critique, distinguer et choisir des usages fondés sur des valeurs citoyennes, et développer sa capacité d’action à différentes échelles.

Pour aller loin :

FORMATION 2024-2025 (inscription individuelle) : Module 90638 EDD- DEVELOPPEMENT DURABLE ET NUMERIQUE

A l’issue de ce module, les participants auront été sensibilisés aux enjeux liés aux impacts environnementaux du numérique afin de pouvoir construire des pistes d’actions pédagogiques concrètes avec les élèves.
Le premier temps de la formation alternera des temps d’éclairages concrets par rapport à l’impact chiffré du numérique sur l’environnement en considérant toutes les étapes du cycle de vie, fabrication, usage, fin de vie.Les participants alterneront des temps de questionnement et des temps de travail de groupe autour de pistes concrètes à mettre en œuvre pour limiter cet impact ou faire le choix d’une sobriété éclairée.
Une deuxième demi-journée sera ensuite consacrée en ateliers à la scénarisation de projets pédagogiques en EDD autour de la sobriété numérique.

Formation en présentiel (deux demi-journées) :
Jeudi 12 décembre 9h-12h à Marly le Roi 3 h présentiel
Mercredi 8 janvier Après-midi, à Marly-le-roi 3 h présentiel

Jeudis de la recherche
L’IA peut-elle être responsable ? : rencontre avec Vincent Courboulay, jeudi 21 mars 2024
Numérique éco-responsable : rencontre avec Vincent Courboulay, jeudi 16 mars 2023
Sobriété numérique 1/2 : rencontre avec François Richard et Olivier Joviado, jeudi 21 avril 2022 de 17h à 18h en classe virtuelle
Sobriété numérique 2/2 : rencontre avec Françoise Berthoud, jeudi 2 juin 2022 de 17h à 18h en classe virtuelle
Podcast « numérique et vous »
L’empreinte numérique : https://www.dane.ac-versailles.fr/spip.php?article557
Ressources à venir  : EDD et numérique : repères de progression et attendus de fin de cycle
https://eduscol.education.fr/3921/l-education-au-developpement-durable-dans-le-cadre-des-enseignements

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